Quand tu fais face à une concurrence disproportionnée
8ème lettre, la première directement liée à un entretien sur Radio Circulab, pour tenter de répondre à la question : quel(s) levier(s) activer face à une concurrence surpuissante ?
Content de vous retrouver pour cette nouvelle lettre pour tenter de répondre à une question qui va se poser de plus en plus dans un pays avec peu de repères économiques, ni cap stratégique à long terme bien défini : comment faire en tant que dirigeant.e.s d’entreprises face à des concurrents surpuissants ?
Si vous souhaitez aller plus loin, vous pouvez :
suivre les formations introductives offertes par la Circulab Academy
écouter Radio Circulab sur votre appli de podcast préférée. D’ailleurs si vous avez une alternative à Spotify, je suis preneur, j’aimerais bien en changer mais je n’ai rien trouvé de très qualitatif.
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Quand on parle de petits appareils électro-ménagers (PAM), on pourrait avoir tendance à penser à un petit sujet. Pourtant, en moyenne, nous avons 99 équipements électriques et électroniques dans chaque foyer français. 60% d’entre eux sont des PAM (des cafetières aux cigarettes électroniques en passant par les smartphones) et font moins de 50 cm de long.
Les petits appareils électro-ménagers : un puits sans fond de galères
Ces objets du quotidien représentent un milliard de produits mis sur le marché, rien qu’en France. Plus d’un million sont jetées chaque année (plus de 62 millions d’unités au niveau mondial) et je n’ose pas trop imaginer la quantité qui prend la poussière dans les placards.
La grande majorité sont jetés. Les plastiques étant traités contre le feu, ils ne sont pas recyclables. Les composants étant souvent collés, les matières et batteries sont très difficilement récupérables. Et le réemploi dans tout ça ? Seuls 2% d’entre eux sont réemployés.
La conception de ces produits ne permet pas vraiment des réparations faciles et rapides. L’accès aux pièces détachées à des prix délirants (parfois 60% du prix du produit entier neuf) peut couper court à n’importe discussion sur un devis de réparation.
S’ajoute à cela,
la disparition quasi-totale du savoir-faire de réparation en France.
la concurrence massive du neuf chinois à très bas prix.
la baisse de qualité des produits constante depuis des décennies (obsolescence programmée de plus en plus tôt).
Vous vous doutez que le nombre de personnes à vouloir affronter l’Empire chinois se compte sur les doigts d’une main : je vais quand même vous parler de ces irréductibles Gaulois qui ont décidé d’affronter cette concurrence complètement disproportionnée.
Le David du réemploi contre le Goliath du neuf
Je me suis entretenu avec leur cheffe (j’arrête avec les Gaulois), Sonia Genin, co-fondatrice de Renée il y a quelques semaines (il y avait un autre premier ministre à l’époque). Renée est une entreprise adaptée dédiée au reconditionnement des petits appareils électro-ménagers basée près de Bordeaux, créée il y a seulement 3 ans.
En se spécialisant sur ce gisement que personne n’a traité jusqu’à présent, Renée collecte, trie et remet en service ces fameux petits appareils électroménagers. Les activités principales sont :
le reconditionnement et la revente de PAM
un service de réparation (ils ont même le label QualiRépar qui permet un bonus économique aux particuliers)
l’insertion de personnes en situation de handicap formées à la réparation.
Rien que pour cette année toujours en cours, l’équipe de 13 personnes a collecté 24 tonnes de PAM et en a revendu 4,2 tonnes, 4 autres tonnes sont en cours de réparation ou en stock sur le point d’être sauvés soit plus de 34% réemployés, intéressant quand on compare aux 2% au niveau national.
Mais comment faire face ?
Les forces en face sont complètement surpuissantes mais comment Renée parvient à ouvrir des voies intéressantes ? Quels sont ces leviers que vous pouvez réutiliser dans votre quotidien ?
Inconsciemment, l’équipe bordelaise applique déjà trois principes de MODRAC (je n’ai pas fini de présenter les 5 principes, voici la modularité, l’autonomie, les autres sont déjà disponibles sur cette formation offerte et seront déclinés avec un cas d’actualité dans les prochaines lettres, abonnez-vous pour être sûr.e de les recevoir).
D’abord, on l’a vu, même si c’est une structure de 13 personnes seulement, Renée a 3 activités différentes (revente, réparation, formation). Cela lui donne des coûts supplémentaires, cela nécessite aussi des investissements spécifiques mais lui offre une diversité (le D de Modrac) de revenus, ou parfois même d’aides, bien pratiques dans ces temps incertains et de baisse de pouvoir d’achat pour les ménages.
Cette diversité peut même être poussée plus loin. Par exemple, les services de réparation aux particuliers peuvent être proposés en B2B. Pourquoi ne pas solliciter un distributeur de produits neufs et de gérer en marque blanche son service après-vente plutôt que de l’envoyer en centrale ?
Ensuite, pour faire face aux prix délirants des pièces détachés et tout en s’appuyant sur son activité de démontage, Renée développe assez spontanément son autonomie (le A de MODRAC) en composants en stockant les éléments les plus précieux des appareils irréparables. Ce stockage leur permet de réduire considérablement leur dépendance aux fournisseurs de pièces mais aussi de permettre de vendre plus de prestations de réparation.
Mais là où Renée se distingue, comme bien d’autres structures de l’ESS, c’est sur la cohésion (le C de MODRAC). Sonia en parle en interne où l’entraide entre les équipier.e.s est très forte et gratifiante. C’est aussi sur la cohésion avec le territoire que Renée trouve une nouvelle énergie.
Que ce soit par
ses activités d’insertion de personnes handicapées ou l’entreprise joue un rôle d’insertion par l’activité économique.
la recréation sur place du savoir-faire de réparation de ces PAM, savoir-faire encore trop négligé mais quand sera-t-il lors d’une prochaine épidémie longue durée en Chine ?
ses activités de prévention du public en déchetterie qui permettent de réduire la quantité de déchets électriques et électroniques et donc les coûts pour la collectivité.
Renée créé un élan de cohésion, certes pas encore en mesure de concurrencer le raz de marée du neuf, mais cohérent pour proposer une alternative au modèle dominant. On retrouve aussi cette cohésion dans la réaction des marques présentes au BHV qui ont décidé de quitter le magasin pour répondre à l’arrivée de Shein. Cette réaction devrait être nationale.
Je n’arrive pas à m’expliquer qu’un tel projet de société ne parvienne pas à émerger pour pouvoir relever ces défis de résilience, de souveraineté à l’échelle de nos régions ou même soyons fous de notre pays ? Quel projet plus fédérateur pourrait émerger dans une société aussi déchirée ? C’est vraiment dommage que d’anciens ministres préfèrent faire du lobbying pour Shein, soutenus publiquement par le PR, ou encore que la Poste signe un accord à grande échelle avec Temu. Les projets collaboratifs à l’échelle des territoires donnent pourtant de sérieux motifs d’espoirs, Renée en est un parmi beaucoup pas assez mis en avant.
Jouer avec les règles de ceux qui dominent revient à toujours essayer de jouer en sachant qu’on va perdre. Mais à quoi bon insister avec les mêmes règles ? Pourquoi rester avec le modèle dominé par les plus forts ? Un modèle centré uniquement sur une dimension dans un monde aussi complexe et multidimensionnel comme le nôtre ? C’est peut être là aussi que peut se trouver notre porte de salut, on le verra dans d’autres lettres à venir.
Pour améliorer votre adaptabilité :
Dépendre d’un seul flux, produit ou équipement est trop dangereux dans un monde incertain :
Diversifier une offre lorsque vous le pouvez, un produit, un service, un client peut probablement ouvrir des connexions avec des activités qui enrichissent la première. Cela coûte mais cela vous permet de ne pas mettre vos œufs dans le même panier.
Diversifier les revenus dès que c’est possible, en évitant par exemple d’être uniquement sur des revenus à l’acte ou en ajoutant du récurrent pour améliorer la relation client et la capacité de l’entreprise à se projeter.
Si vos dépendances vous coûtent, identifier les options qui permettent de développer l’autonomie de l’activité ou aller plus loin sur ce levier.
Même si notre société est complètement fragmentée, initier la cohésion que ce soit au sein d’une équipe, de ses parties prenantes (fournisseurs, clients et même concurrents…) mais aussi surtout de son territoire. Votre voisin ou une entreprise proche seront les premiers capables de vous aider s’il vous arrive quelque chose.
Si ce que vous venez de lire vous parle, pourquoi ne pas en discuter ?
Un simple échange peut déjà vous aider à identifier vos premières pistes d’amélioration.
Écrivez-nous ou répondez à ce mail et voyons ensemble comment amorcer votre Déclic Collectif.






